Une vague de témoignages poignants enflamme les réseaux sociaux depuis quelques jours. De nombreuses femmes, certaines encore enfants ou adolescentes au moment des faits, prennent la parole pour dénoncer des viols perpétrés au sein même de leur famille. Pères, oncles, cousins, amis proches : les agresseurs présumés appartiennent souvent au cercle intime. Ces révélations, longtemps étouffées par la peur, la honte et les injonctions culturelles, exposent une vérité crue : en Haïti, le viol intrafamilial reste un sujet tabou, mal pris en charge et bien trop souvent impuni.
Un drame silencieux qui ronge les foyers haïtiens
Derrière les murs des maisons, loin du regard public, des vies se brisent dans l’ombre. Pères, oncles, cousins, parrains, amis : les agresseurs sont souvent ceux que la victime connaît, aime ou respecte. Le foyer, censé être un espace de sécurité, devient un lieu de peur où les enfants sont des proies pour des prédateurs sexuels.
Selon plusieurs témoignages relayés en ligne ces dernières semaines, de nombreuses femmes, souvent mineures au moment des faits, décrivent des abus commis au sein de leur propre famille, fréquemment étouffés par la honte et les pressions sociales.

Dans une société marquée par le patriarcat et la culture du silence, parler d’un viol commis par un proche relève du courage. La parole des survivantes est trop souvent remise en question. On les accuse de mentir, d’exagérer ou de « salir le nom de la famille ».

Cette dynamique d’oppression pousse nombre d’entre elles à se taire. Certaines sont contraintes de garder le silence par leurs proches, d’autres par peur de ne pas être crues ou d’être rejetées. Ainsi, l’impunité ne cesse de régner et le cycle de la violence se perpétue.
Une justice inaccessible pour les survivantes
Porter plainte en Haïti reste un parcours semé d’embûches : peur des représailles, lenteur judiciaire, corruption, manque d’écoute et d’accompagnement psychologique. Peu de survivantes osent franchir les portes d’un commissariat.
Les institutions de protection comme l’Institut du Bien-Être Social et de Recherches (IBESR) ou le Ministère à la Condition Féminine manquent souvent de moyens pour suivre efficacement les cas signalés. En conséquence, beaucoup d’abus restent impunis et les victimes demeurent sans soutien.
Briser le silence, un acte de résistance
Malgré le poids du tabou, les militantes et les organisations féministes dénoncent les violences sexuelles. Sur les réseaux sociaux, les voix se multiplient, encourageant les survivantes à parler, à témoigner, à réclamer justice.
Ces prises de parole publiques permettent aux survivantes de se réapproprier leur dignité et mettent en lumière un fléau longtemps ignoré. Car tant que ces crimes resteront impunis, les survivantes seront doublement victimes.
Briser le tabou du viol intrafamilial, c’est repenser la manière dont la société protège ses enfants et ses femmes. Cela implique une éducation à l’égalité dès le plus jeune âge, une justice sensible aux violences basées sur le genre et un accompagnement des survivantes sans jugement ni stigmatisation.
La lutte contre les violences sexuelles ne peut se limiter à l’indignation : elle exige une action politique et sociale, ainsi que des mesures concrètes de la part de l’État. Cela passe par le renforcement des lois sur les violences sexuelles, mais aussi par des formations spécialisées pour les policiers et les juges afin qu’ils puissent mieux comprendre et assister les survivantes.
Le viol intrafamilial en Haïti ne relève pas seulement d’un drame individuel, mais d’un échec collectif. Tant que la société continuera à étouffer la parole des survivantes au nom de la honte ou de la réputation, les agresseurs continueront d’agir dans l’ombre.
Rompre ce silence, c’est rompre la chaîne de la complicité. Il revient à l’État, aux institutions, mais aussi à chaque citoyen et citoyenne, d’assumer sa part de responsabilité : protéger les enfants, écouter les victimes, éduquer à la non-violence et à l’égalité. Car le changement ne naîtra pas du silence, mais du courage de celles et ceux qui osent dire non à l’inacceptable.