En Haïti, la dépigmentation volontaire, ou « Douko », est bien plus qu’une simple préoccupation esthétique. Elle met en lumière une blessure identitaire profonde, héritée de siècles de colonisation et exacerbée par la persistance de normes de beauté occidentales. Ce marché florissant se nourrit non seulement de techniques de vente séductrices, mais aussi du regard déformé que les personnes noires apprennent à porter sur elles-mêmes. Au vu de ces réalités, une question s’impose : pourquoi vouloir s’éclaircir la peau lorsqu’on est né noir ou noire ?
Un marché lucratif sur fond de mal-être
Dans les rues, les marchés, et sur les réseaux sociaux, les produits éclaircissants sont omniprésents. Savons, crèmes et sérums promettent une « peau propre » et plus belle, comme si la noirceur était synonyme de saleté et de laideur. Derrière ces promesses marketing se cache une réalité bien plus complexe : celle du rejet de soi.
Selon l’OMS, plus de 40 % des femmes dans certains pays africains ont recours à ces produits. En Haïti, bien que les chiffres précis manquent, le phénomène est clairement visible sur les marchés et sur les réseaux sociaux, où les « transformations » sont souvent valorisées. Ce commerce repose sur une faille identitaire, capitalisant sur l’insécurité des populations noires et leur désir d’être acceptées dans un monde où la blancheur reste un privilège social. Pendant que l’estime de soi s’effrite, certains s’enrichissent, souvent au prix de la santé des utilisateurs, qui s’exposent à des risques dermatologiques, des brûlures et des problèmes rénaux.
Pistes de solution : reconstruire, rééduquer, réaffirmer
Face à cette réalité, il ne suffit pas de condamner ou de moraliser. Il faut avant tout comprendre, éduquer et proposer des solutions. La réponse à ce fléau passe par une revalorisation de l’identité noire, une éducation esthétique décoloniale et une reconstruction de l’image de soi dès le plus jeune âge.
- Il est essentiel de créer des campagnes de sensibilisation pour mettre en lumière les dangers des produits blanchissants et les mécanismes de domination qu’ils perpétuent.
- Il faut encourager les marques locales à proposer des produits naturels et respectueux de la peau noire.
- Il est important de visibiliser des modèles positifs à travers les médias, la mode et l’art, pour célébrer la beauté noire sous toutes ses formes.
- Il est nécessaire de former les professionnels de la santé, de l’éducation et des médias afin qu’ils puissent déconstruire les normes toxiques véhiculées par l’esthétique occidentale.
Plus qu’une affaire de teint, cette pratique est une véritable bataille identitaire. Pour en sortir, il faut aller au-delà des apparences, interroger notre histoire, déconstruire les récits imposés et, surtout, offrir aux jeunes générations d’autres chemins vers l’estime de soi. Car se réapproprier sa peau, c’est aussi réaffirmer son identité.