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Un focus sur les solutions : rigueur et objectivité

Brèves de presse

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De l’introduction et du renforcement de la littératie financière et de l’entrepreneuriat dans les écoles haïtiennes

En Haïti, où les défis économiques sont omniprésents et énormes, l’éducation est souvent perçue comme la « clé » pour réussir. Malgré des problèmes structurels et conjoncturels profonds dans le système éducatif national, chaque enfant scolarisé est considéré par ses parents comme un investissement, un gage pour l’avenir. Cependant, l’éducation haïtienne, telle que nous la connaissons actuellement, prépare-t-elle réellement les jeunes aux réalités économiques difficiles, complexes et aux opportunités de création de richesse ? Au regard de ce questionnement, n’est-il pas opportun, voire indispensable, que l’État haïtien introduise et renforce la formation financière et l’entrepreneuriat dans le cursus scolaire ?

Le contexte haïtien : une nécessité économique

En récession depuis plusieurs années, l’économie haïtienne affiche des résultats de plus en plus insatisfaisants. Selon les données disponibles, de 2019 à 2024, cette économie a enregistré des taux de croissance annuelle (PIB réel) négatifs, respectivement de -1,7 %, -3,3 %, -1,7 %, -1,9 % et -4,2 %. L’insécurité, la baisse de l’activité économique, l’inflation, le chômage, la corruption et les catastrophes naturelles sont autant de maux qui alimentent la contre-performance de l’économie nationale ces dernières années. Outre ces entraves majeures, la prédominance du secteur informel, non soutenu par les politiques gouvernementales, conduit à une réduction des recettes fiscales nécessaires pour financer les projets publics et redynamiser les secteurs productifs du pays.

D’un autre côté, en plus d’une forte prévalence de la pauvreté, la majorité des Haïtiens sont peu formés aux concepts de gestion, de budget, de crédit, d’épargne, d’investissement ou d’économie. Lorsqu’ils ne font pas face à la précarité, ils s’exposent à des pratiques financières destructrices, souvent en raison de leur manque de culture dans ces domaines. Pour combler cette ignorance, qui nuit à la création d’une nouvelle classe d’entrepreneurs et à la diversification économique, la formation en finance et en entrepreneuriat dès le plus jeune âge constitue une alternative fiable et prometteuse. Elle pourrait, entre autres, stimuler l’innovation, la productivité et favoriser la croissance économique du pays.

Transformation du citoyen haïtien : le rôle de l’éducation

Le développement des individus et de la société passe inévitablement par l’éducation. Pour atteindre le progrès social et économique, tout pays doit faire de ce facteur de changement une priorité. D’ailleurs, ne dit-on pas : « Tant vaut l’école, tant vaut la nation » ? Malheureusement, de l’Indépendance à nos jours, l’école haïtienne tarde encore à fournir à la jeunesse les outils essentiels pour développer ses compétences et façonner son avenir. Au lieu de former des citoyens accomplis, le système éducatif produit généralement des individus sans les compétences pratiques nécessaires à leur propre développement et à celui de leur communauté.

Malgré quelques efforts, souvent sporadiques et inconsistants, les réformes éducatives tentées n’ont toujours pas réussi à améliorer la qualité de l’éducation, dont la mission première est la réduction des inégalités. En plus du manque d’accès, du sous-financement chronique et des politiques difficiles à mettre en œuvre, les curricula et les méthodes d’apprentissage restent inadaptés, voire archaïques, rendant la construction du citoyen haïtien difficile. À cet effet, il incombe au système scolaire haïtien, à travers ses différentes structures, de se réapproprier ses rôles et ses objectifs pour réussir la transformation du citoyen.

Fonder l’indépendance et la culture de l’esprit d’initiative

L’enseignement de la finance et de l’entrepreneuriat dans les écoles présente des avantages considérables pour les jeunes. Dès leur plus jeune âge, ils seraient formés sur des sujets pratiques et quotidiens, leur permettant de mieux comprendre et aborder des concepts comme la dette, le budget et l’épargne. Ils pourraient ainsi prendre des décisions financières plus éclairées et seraient plus enclins à développer leurs propres entreprises au lieu d’attendre passivement une aide de l’État.

Dans le contexte de chômage persistant et croissant que connaît Haïti, l’entrée des jeunes professionnels sur le marché du travail reste une aventure titanesque. Même avec d’excellents résultats scolaires et des compétences avérées, leur recrutement dans le secteur formel est restreint et se heurte à de multiples difficultés. Dans une économie où 85 % des emplois sont informels et où l’État demeure le plus grand employeur formel, un changement de paradigme s’impose.

Bâtir un avenir prometteur

Au-delà des pays occidentaux, de nombreux pays émergents ont fait de l’éducation financière un élément incontournable de leur cursus scolaire. C’est le cas, par exemple, de l’Afrique du Sud, qui l’a intégrée dans les cours de « Life Orientation » (éducation à la citoyenneté et aux compétences de vie). Au Brésil, elle est obligatoire dans les écoles publiques depuis 2020. Juste à côté, en République Dominicaine, cette initiative est soutenue par la banque centrale et appliquée dans les écoles depuis 2015.

Des élèves brésiliens dans une salle de classe, participant à une leçon sur l’éducation financière

Pour qu’un tel projet soit réalisable en Haïti, il est impératif que les structures gouvernementales concernées s’y engagent fermement, en y dédiant des ressources financières suffisantes et en créant des programmes pertinents, adaptés à la culture haïtienne. Parallèlement, le renforcement des partenariats locaux et internationaux pourrait favoriser la mise en place de ces compétences financières dans les écoles. Après l’adoption du Plan National d’Éducation Financière (PNEF) en 2020, le comité de suivi, mis en place en 2022, doit s’activer pour concrétiser les initiatives déjà prises.

Investir dans le capital humain haïtien

L’intégration de la littératie financière et de l’entrepreneuriat dans le système éducatif haïtien ne doit pas être perçue comme un luxe, mais comme un investissement stratégique et incontournable dans le capital humain du pays. En offrant aux jeunes les connaissances et les compétences nécessaires pour gérer leurs finances et développer des projets entrepreneuriaux, Haïti peut préparer une génération plus autonome, innovante et résiliente, capable de transformer les défis en opportunités et de bâtir un avenir durable et prospère.

Pour renforcer la formation des jeunes dans ces domaines, il est essentiel d’intégrer des modules pratiques dans le cursus scolaire, puis de les consolider dans l’enseignement supérieur. Cette démarche doit être soutenue par la formation continue des enseignants afin de leur fournir des outils pédagogiques adaptés.

Parallèlement, la création de partenariats avec le secteur privé et la diaspora offrirait aux étudiants des stages, du mentorat et des opportunités concrètes. Le développement de programmes d’inclusion financière faciliterait, quant à lui, leur accès aux services bancaires de base et à des microfinancements. Enfin, la promotion de l’innovation et de la créativité, à travers des concours scolaires et universitaires axés sur la résolution de problématiques locales, encouragerait l’émergence d’une jeunesse engagée et porteuse de solutions.

Ceci est un appel à l’action pour l’ensemble des acteurs concernés – gouvernement, éducateurs, parents, secteur privé et partenaires internationaux – à unir leurs efforts pour former une jeunesse mieux outillée, capable de relever les défis économiques et sociaux d’Haïti.

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